[Article Partenaire] Médecine nucléaire : vers une révolution prédictive et centrée sur le patient
Événement

[Article Partenaire] Médecine nucléaire : vers une révolution prédictive et centrée sur le patient

Écrit par Jérémy Coulot le 5 novembre 2025

Interview de David Thibault De Chanvalon (GE Healthcare), avec l’éclairage d’esprimed

La médecine nucléaire connaît une transformation sans précédent : du diagnostic vers la prédiction, de l’acte technique vers l’approche personnalisée. PET grand champ, intelligence artificielle, radiopharmacie agile… Comment ces innovations redéfinissent-elles les pratiques et l’organisation des soins ? Décryptage avec David Thibault De Chanvalon, Directeur Imagerie Moléculaire chez GE Healthcare.

Décryptage avec David Thibault De Chanvalon, Directeur Imagerie Moléculaire chez GE Healthcare.

“L’innovation n’a de sens que si elle redonne du temps clinique au patient.”

esprimed : Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre périmètre chez GE Healthcare ?

David Thibault De Chanvalon (GE Healthcare) :  Je pilote l’imagerie moléculaire pour un territoire étendu : France, Belgique, Luxembourg et Afrique francophone, soit une trentaine de pays à des niveaux de maturité très variés. Mon périmètre englobe deux activités complémentaires : d’une part, le PET et le SPET-CT pour le diagnostic ; d’autre part, la radiopharmacie avec les cyclotrons qui produisent les traceurs comme le [18F]-FDG. Aujourd’hui, notre activité couvre l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la production de molécules via nos cyclotrons jusqu’à la thérapie, en passant par les solutions de diagnostic (PDX), les équipements d’imagerie et la plateforme MIM pour le traitement des données et le suivi des patients.

Je suis dans cette fonction depuis février 2025, après 25 ans chez GE sur différents postes commerciaux et de direction. Notre équipe commerciale compte une dizaine de personnes, mais nous nous appuyons sur un écosystème élargi : équipes marketing, R&D en partenariat étroit, et la branche PDX, dédiée au développement de molécules ciblées pour la prostate, la cardiologie et la neurologie.

De la médico-technique au médical augmenté : la mutation est déjà amorcée

esprimed : Ce périmètre illustre bien le changement d’échelle à l’œuvre : de nouveaux traceurs, des plateformes PET grand champ plus sensibles, et des chaînes complètes « du diagnostic au traitement ». Pour les établissements, cela implique des choix stratégiques en matière d’architecture, de workflow, de compétences et de gouvernance. Concrètement, qu’est-ce que ça change pour les établissements de santé ?

David Thibault De Chanvalon : L’imagerie moléculaire devient le levier qui transforme la prise en charge des patients. On bascule d’une spécialité médico-technique vers du médical avec de la technique. L’oncologie, la neurologie et la cardiologie l’illustrent déjà : les cloisonnements entre spécialités s’estompent, les équipes apprennent à travailler ensemble.

En France, l’écosystème est favorable : centres d’excellence, praticiens de haut niveau, volonté publique d’équiper et de moderniser le parc, et surtout, des traceurs innovants désormais disponibles. Le développement de l’intelligence artificielle doit se faire pour renforcer l’usage clinique, pas pour le remplacer. L’IA traite la donnée, le médecin traite l’humain.

esprimed : Cette acculturation croisée nécessite des lieux de dialogue. C’est exactement le rôle du Séminaire Médecine Nucléaire : aligner vision stratégique, usages concrets et réalités de terrain. Justement, quels sont les principaux leviers qui transforment concrètement la médecine nucléaire aujourd’hui ?

David Thibault De Chanvalon : Selon, moi il y a 4 grands facteurs qui redessinent la médecine nucléaire :

Prédictibilité de la réponse au traitement

David Thibault De Chanvalon :   Le véritable saut qualitatif, c’est la prédiction de la réponse thérapeutique. Les PET grand champ, grâce à leur qualité d’image et leur sensibilité accrue, permettent d’anticiper l’efficacité d’un traitement avant même de l’initier. On entre dans une médecine vraiment personnalisée, où l’on peut adapter la stratégie thérapeutique patient par patient.

Dépistage ciblé (screening raisonné)

David Thibault De Chanvalon : L’enjeu n’est évidemment pas de scanner tout le monde, mais d’identifier et de suivre des cohortes à risque. Pour cela, il faut des machines rapides, sensibles, qui délivrent des doses minimales. De plus en plus, nos technologies intégrant le BGO, un scintillateur très sensible, permettant d’adresser des doses faibles avec la volonté d’atteindre une exposition inférieure à celle d’un vol Paris–New York. Cela ouvre des perspectives pour des examens de masse acceptables sur le plan éthique et sanitaire. Le dépistage est une réflexion qui devra être mené tout en sachant qu’elle ne pourra s’envisager qu’au travers de consultation et validation par les sociétés savantes.

esprimed : Le dépistage ciblé implique bien plus que de la technologie : il soulève des questions sociales, éthiques et logistiques. Cela nécessite des filières dédiées, des protocoles validés et un véritable pilotage des flux. Comment cela va impacter les organisations ?

Réorganisation des plateaux techniques et des workflows

David Thibault De Chanvalon : Cette bascule impose une refonte organisationnelle profonde. D’abord, il faut des équipements capables d’assurer le suivi thérapeutique avec une imagerie 3D performante, et une capacité à gérer tous types d’anatomie. Ensuite, il faut repenser l’agencement même des espaces.

Prenons l’exemple des boxes d’attente : traditionnellement, après injection, le patient doit attendre que le produit se diffuse. Mais avec des machines très sensibles qui nécessitent moins de produit injecté, on a besoin de moins de boxes dédiés : des études menées avec les nouvelles techniques montrent qu’on peut libérer de l’espace, le rendre plus modulaire et plus facile à mettre en œuvre et cela pourrait même   potentiellement réduire les temps d’attentes des patients dans le cadre de nouvelles pratiques médicales comme les acquisitions dynamiques ou prédictives : cette ambition sera bien sûr à valider sous l’égide des sociétés savantes référentes. Les institutions sont en train de « plancher » sérieusement sur ces réorganisations.

Il y a aussi la gestion des flux patients. Quand on fait de la thérapie ou du prédictif, il faut segmenter les filières : un peu comme on l’a fait pendant le Covid avec des circuits différenciés. On ne peut pas mélanger diagnostic de routine et suivi thérapeutique lourd dans les mêmes créneaux.

Côté workflow numérique, avec l’accroissement de la demande d’examens PET/CT (+45% en 3 ans ) , un médecin ne peut matériellement pas traiter un très grand volume d’examens par jour sans aide. C’est là qu’interviennent les outils d’IA pour le post-traitement et la planification. D’où notre acquisition de MIM, société de software de référence, dont le siège européen est basé en belgique, qui apporte une vraie valeur ajoutée en planification thérapeutique et suivi longitudinal des patients. Quand on parle de souveraineté européenne, c’est aussi ça : des briques technologiques développées et maîtrisées en Europe.

esprimed : Il faut repenser les parcours patients, les créneaux, les filières, intégrer la télémédecine, mesurer l’impact réel : temps patient, satisfaction, capacité du plateau. L’innovation ne vaut que par sa mise en œuvre effective sur le terrain !

Radiopharmacie agile et souveraineté

David Thibault De Chanvalon : le marché des autorisations de mise sur le marché est historiquement dominé par de grands acteurs qui produisent et livrent sur de larges territoires. Demain, nous verrons sans doute émerger des unités de production plus petites, plus agiles, mieux adaptées aux besoins territoriaux et aux enjeux cliniques.

Attention toutefois à la baisse des forfaits techniques de l’Assurance Maladie sur le PET : si on raisonne en silo, on freine l’innovation. Il faut une vision médico-économique d’ensemble : notamment avec le  développement de radio traceurs innovants (onco, neuro, cardio) qui arrivent sur le marché et qui vont nécessité de repenser le modèle de prise en charge de ces innovations.

esprimed : L’échelle territoriale est certainement clé pour continuer à se développer de manière cohérente : c’est un sujet de gouvernance stratégique. Comment les services peuvent-ils s’y préparer ?

« L’IA pour la donnée, les soignants pour l’humain »

David Thibault De Chanvalon : Les ressources humaines resteront tendues. Il faut simplifier côté machines et cibler l’IA sur ce qu’elle fait le mieux : traiter la donnée. Le médecin, lui, traite l’humain. L’IA dégrossit, oriente, priorise. Le médecin interprète, décide, accompagne.

Côté patient, il faut éliminer ce qui fait perdre du temps et renforcer la présence auprès du patient. Exemple concret : si l’examen passe de 9 à 6 minutes pour un créneau de 12 minutes, le temps passé avec le patient double – de 3 à 6 minutes – tout en maintenant la capacité du plateau et l’équation économique rentable. Tout est une question de balance.

esprimed : Cela implique d’adapter les calendriers, les rôles, les indicateurs. Il faut déployer des standards de flux et mesurer l’expérience patient autant que la productivité technique. Avez-vous déjà des retours terrains à partager ?

David Thibault De Chanvalon :  Nous observons déjà des transformations concrètes sur le terrain :

  • Baisse des doses tout en conservant la qualité diagnostique
  • Réorientation des plateaux vers le PET plutôt que du conventionnel
  • Centres privés : L’ajustement des durées d’examen permet d’améliorer la capacité de prise en charge globale, sans chercher à augmenter le nombre d’actes par heure, mais en optimisant le parcours patient et la fluidité des soins.
  • Projets de cyclotrons territoriaux en réflexion, malgré les contraintes légales. Notre entreprise développe notamment des cyclotrons au sein de nos usines en Suède (Uppsala).

esprimed : Ces retours d’expérience démontrent qu’innovation technologique, organisation et formation doivent avancer de concert. C’est indissociable.

Pourquoi GE Healthcare soutient le Séminaire Médecine Nucléaire d’esprimed ?

David Thibault De Chanvalon :  On a besoin de médiateurs pour rendre visible ce qui est encore invisible : la télémédecine en médecine nucléaire, les RIV, le suivi longitudinal des patients, l’évolution des profils et des aspirations des nouvelles générations de médecins.

Les forums stratégiques comme le Séminaire Esprimed sont essentiels pour co-construire ces transformations avec tous les acteurs..

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